L'amour crisse

Par
Marie Noëlle Blais
February 14, 2025

Marjolaine Beauchamp a écrit : « Restons groupé·es ».

Marguerite Duras a écrit : « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter. » 

En ce début d’année de grande bascule géopolitique qui nous laisse tantôt dans un état de sidération, tantôt d’indignation, le vertige prend plusieurs d’entre nous au ventre. Sonné·es par les actualités, nous oscillons quotidiennement entre stupéfaction, peur et colère. 

Il faut beaucoup aimer. Beaucoup, beaucoup.

Je tente depuis 2018 d’animer une maison d’édition qui tient debout dans une ville minée par « l’un des plus grands scandales écologiques de l’histoire du Québec » (Célia Izoart, Mediapart*). On parle de zones sacrifiées sur l’autel de l’argent et des métaux stratégiques qui font saliver nos dirigeants. De cette colère forgée dans l’amour de cette ville, l’amour de ses enfants, est née une lutte. Zones sacrifiées** rend hommage à cette lutte ; c’est un collectif qu’ont dirigé avec détermination et abnégation — deux visages de l’amour — les artistes et militants Anaïs Barbeau-Lavalette, Véronique Côté, Isabelle Fortin-Rondeau, Steve Gagnon et Jennifer Ricard Turcotte.

Anaïs Barbeau-Lavalette a écrit : « Ces actions, cette désobéissance, ce livre, je les fais parce que je refuse de m’agenouiller devant toute forme d’effondrement et parce que je persiste à croire que nous sommes encore capables de belles choses. » 

Ce livre peut faire rempart contre la morosité bien qu’il traite d’enjeux graves, d’une injustice qui se joue ici, au Québec. Ce livre peut faire rempart car il est le reflet d’une communauté aussi aimante que redoutable, qui ne plie pas. Il est le reflet d’une solidarité interrégionale qui peut nous éloigner du gouffre de l’isolement et du repli sur soi. Il est le reflet de voix puissantes, de poésies enracinées, de talents, de colères fécondes. Il est aussi le relais de ces paroles qui ne portent pas assez loin pour être entendues par les décideurs, celles de citoyens et citoyennes qui seront délogé·es pour permettre à une industrie de faire « as usual » : de l’argent en dépit de la population. 

Restons groupé·es. Nous sommes encore capables de belles choses.

Comme de « s’entraimer » fort pour participer à un certain équilibre du monde. Faire rempart, à notre échelle, contre la cupidité, le cynisme, le désengagement, les illusions du divertissement et des marchés. 

Que pouvons-nous sinon tenir debout, rester groupé·es et aimer beaucoup ?

Marie Noëlle Blais

Mère au front pour pour Lou, Éliott, Flavie et Arthur

Références

*https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/100225/les-dechets-du-numerique-un-fleau-pour-la-ville-canadienne-de-rouyn-noranda

** https://www.editionsduquartz.com/produit/zones-sacrifiees/

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