Allocution prononcée par Anaïs Barbeau-Lavalette et Laure Waridel

lors de la marche Du pain et des forêts du 8 mai 2022, à Québec

Photo : Julie Durocher

Laure

Que c’est beau de sentir cet immense élan pour nos enfants!
Jamais nous n’aurions osé espérer être aussi nombreuses et nombreux!

Cette marche était de loin la plus belle et juste façon de célébrer la Fête des mères aujourd’hui.

Anaïs

Merci d’être venu.e.s de partout : vous êtes extraordinaires!

Nous ferons un bouquet de nos voix, pour nous adresser à celles et ceux qui nous gouvernent.

Laure

Comment en sommes-nous arrivé.e.s à ce que demain devienne la triste promesse d’étés caniculaires, d’inondations, de disparitions d’espèces, de lacs transformés en poubelles pour des déchets miniers, d’air chargé de nickel, de fleuve – de voir notre si beau fleuve – saccagé?

Nous nous mobilisons aujourd’hui parce que les solutions existent, et qu’elles sont à notre portée. L’histoire nous apprend que les politiques changent quand l’opinion publique change. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour faire changer les priorités du gouvernement.

Il y aura des élections cet automne. L’avenir de nos enfants doit être protégé maintenant. Alors, allons-y!

L’économie doit être un moyen, pas une fin.
Tout ce qui contribue à la dégradation du monde doit décroître. En premier lieu, le recours aux hydrocarbures; au charbon, au pétrole et aux gaz fossiles.

Le gaspillage,

La surconsommation,

les produits jetables,

l’obsolescence programmée,

l’évasion fiscale,

l’agriculture et l’alimentation industrialisées,

la surutilisation de l’avion,

la surexploitation de nos forêts,

la surpêche,

la destruction des milieux naturels, des océans, des rivières,

tout ça doit cesser pour laisser naître un peu d’espoir.

Anaïs

Plusieurs de nos enfants ne veulent plus faire d’enfants, et je les comprends.

Ils.elles renoncent à rêver leur suite. Ils.elles abdiquent.

Je ne dis pas qu’il faille faire des enfants pour être pleinement vivant.e.

Pas du tout. Il faut faire des enfants si l’on veut avoir des enfants, point. Et : celles et ceux qui ont des enfants ne sont pas plus vivant.e.s ni plus complets que celles et ceux qui n’en ont pas.

Ce que je dis, ce que je trouve profondément tragique, c’est de pas laisser à nos enfants ni le choix, ni le temps du désir.

Le désir est la seule force qui s’oppose à la mort. Le désir de croire, le désir de semer, le désir d’espérer, le désir de demain.

Aux yeux de mes enfants, tout ce qu’ils aiment est menacé, et ils se sentent beaucoup trop petits pour en prendre soin seuls.

Je refuse que le renoncement soit leur unique option. Je veux des enfants désirants!

Laure

Alors à partir de maintenant, investissons dans la réduction de la consommation matérielle,
l’écocitoyenneté,
la sobriété énergétique et les énergies renouvelables,
les transports actifs et collectifs,
l’agriculture de proximité biologique et régénératrice,
la rénovation et la construction écologiques,
l’écoconception, la protection de nos milieux naturels,
le verdissement,
le zéro déchet,
l’économie circulaire,
l’économie sociale,
la justice sociale,
l’éducation,
ainsi que la fréquentation de la culture et de la vie de l’esprit comme antidote à l’obsession matérielle et à la surconsommation.

Utilisons l’écofiscalité afin de cesser d’externaliser les coûts environnementaux et sociaux. Appliquons le principe de pollueur-payeur.

Nous le répétons : les solutions existent et elles sont à notre portée! Il manque seulement de la volonté politique. Voilà pourquoi nous sommes là!

Nous exigeons qu’à partir de maintenant les gouvernements passent toutes leurs décisions au crible de leurs impacts sur l’environnement et l’équité.

Anaïs

Oui. Nous exigeons qu’à partir de maintenant les gouvernements passent toutes leurs décisions au crible de leurs impacts sur l’environnement et de l’équité.

J’ai accouché trois fois. J’ai tout aimé.
Devenir lunaire, m’enfoncer dans la terre, être puissante et friable à la fois, m’ensauvager, me délier, crier, embrasser l’enfant, goûter sa peau ferreuse, sentir son pouls contre mes seins. Tout aimé.

Et à l’aube de mon dernier souffle, ces naissances resteront ce que j’ai fait de plus beau, de plus amoureux, de plus engagé, de plus entier, de plus vrai.

Je ne veux pas que naître puisse devenir une défaite.

Pour nous toutes et tous.
Agrippons l’espoir et la colère par le collet.
Nous avons un rôle à jouer, et il se joue maintenant, ici, ensemble.

Laure

(Vers l’Assemblée) Et pour vous, au sommet, qui êtes né.e.s aussi. Pour vous, qui êtes peut-être parents, nous invoquons le souvenir de ce vertige-là, celui qui fait de nous des êtres vivants. Ce vertige immense, qui nous relie irrémédiablement à demain.

Anaïs

… À ceux qui gouvernent !

Puissions-nous orienter le monde pour que naître ne devienne pas une défaite.

Pour que naître reste beau, pour que naître reste une fête!

©Julie Durocher